LA FEMME DU MÉDECIN
Partie 2
LA BABYSITTEUSE EN ARDÈCHE
Charlie, Chaaaaaarlieeee!!!!!!!
Toutes ces voix, en appelant les uns et les autres. Le i est très très haut. Le bruit est tranchant et pointu. Mes mains sont pliées derrière ma tête. J’ai l’impression d’être allongée sur un nuage. Je suis heureuse et j’ai les papillons dans le ventre. Et soudain il fait froid, l’air froid glacé s’approche de moi à une vitesse surprenante, c’est bleu, bleu clair et froid.
– Patrick, il y a quelque chose dont je dois te parler”, Danielle respirait bien par son nez et mettait ses mains sur son ventre pour mieux sentir sa respiration et être moins nerveuse. Elle trouvait ça terrible de dire à son partenaire qu’elle avait décidé de le quitter pour quelques temps. Mais la vie à Marseille la rendait dépressive, triste et fâchée et elle en avait ras le bol. Danielle avait eu, sur un plateau d’argent, un occasion en or et voulait en tout cas accepter l’offre.
– Dis moi Danielle, qu’est ce qu’il se passe ma belle? Patrick la regardait avec des points d’interrogation dans les yeux.
– Avec Chloë, j’ai rendu visite à une de ses copines qui cherche une jeune fille Au Pair pour son chien pour un temps indéterminé. C’est une chambre d’hôte en Ardèche et aux alentours qui me conviennent très très bien. C’est en pleine forêt dans le parc naturel des Cévennes et situé sur une route nationale tranquille à un kilomètre d’un petit village. Contre le logement et les repas je dois m’occuper de leur chien quand ils sont au boulot. Je n’ai pas encore rencontré son mari parce qu’il est parti en vacances avec sa famille. Elle s’appelle Lotte et elle me semble être une femme détendue et d’esprit libre.
– Tu ne trouves pas bizarre que les gens veuillent une babysitteuse pour un chien? Patrick était toujours un peu méfiant parce que dans la solitude de son simple appart en ville, Danielle avait déjà inventé de drôles d’histoires, juste pour attirer son attention. Elle était insociable et s’occupait que de ces propres fictions.
– Tout me semble bien et normal! disait elle. C’est un couple sans enfants et ils ont perdu un chien l’année passée. Il était vieux et avait bien vécu mais là ils ont un Rhodésien Ridgeback qui a un an. C’est le bébé de la famille et il est gâté comme un petit prince. Il ne supporte pas rester seul et doit se dépenser beaucoup. Il me semble que ce genre de chien doit randonner au moins 3 heures par jour. Elle travaille en pharmacie et lui, il cherche du boulot. Ce sont des Hollandais qui sont venus s’installer il y a trois ans.
– Mais merde alors, quand tu habiteras en Ardèche ça voudra dire que je ne te verrai plus du tout. Combien de temps as-tu calculé que ça va durer? Et tes rendez vous avec le médecin? Tu ne peux pas interrompre ta thérapie comme ça et il faut vraiment que tu prennes bien soin de toi. La griffe de lion entre les yeux de Patrick se prononçait et nerveusement, il commençait à frotter son nez. Il faisait toujours ça quand il n’était pas à l’aise.
– Écoute mon chéri, tout ira bien. La proposition est que je commence à habiter dans une de leur chambres d’hôtes et, parce que toi tu travailles 5 jours et as des repos les 5 jours qui suivent, tu viendras loger chez moi. Nous avons déjà parlé sur ce sujet avec Lotte et elle m’a dit que tu serais le bienvenu. Dimanche prochain nous sommes invités à un repas Japonais pour parler des détails. Et écoutes bébé, le thérapie est un vol, j’avais déjà en tête de diminuer les séances. Danielle voyait la ride entre ses yeux partir. Elle l’avait rendu curieux. Faire la cuisine et manger était la passion de Patrick. Avec ce repas Japonais elle avait pu l’inciter à accepter l’invitation. Après, elle verrais.
SUSHI
Le riz pour Sushi devait être lavé soigneusement. Au moins 10 fois avant que l’eau reste claire. Lotte rinçait pour la dernière fois les grains de riz. Après une nuit de repos, le riz pouvait être cuit en trois phases. Toutes les procédures dans la préparation de ses sushis étaient exercées avec attention et respect pour l’authenticité. Le riz se reposait dans un récipient en bois, un Hari, parce que toucher le métal pouvait influencer le gout du riz. Lotte mettait le riz dans la réserve et commençait à battre les œufs. Les œufs japonais sucrés étaient vraiment le plat préféré de Rob. La préparation semblait par contre durer une éternité mais son grand sourire jusqu’aux oreilles méritait le boulot.
Préparation de la vinaigrette pour les œufs:
2 sachets de bouillon Dashi
2 cs de Mirin (vinaigre de riz)
2 cs de Saké
2 cs de sucre
La vinaigrette devait être chauffée lentement, le sucre complètement fondu et l’alcool rajouté au dernier moment pour éviter qu’il s’évapore. Lotte mettait le couvercle sur la casserole avec la vinaigrette chaude et commençait avec la préparation du poisson. La vinaigrette, elle mélangerait plus tard avec les œufs pour les faire cuire doucement en forme de crêpe. Elle pensait au Camping où elle et Rob et plein d’amis avaient souvent campé. Même là, un jour, elle avait préparé des sushis. Linda et René étaient venus pour la première fois et René avait allumé le feu en disant qu’il en avait ras le bol des restos et qu’il avait une envie de sushis fait-maison. Lotte avait tenté le défi. Déjà faire les courses était un crime. La France, ou plutôt l’Ardèche, était à ce moment là pas du tout prête pour la cuisine du monde. Une bouteille de sauce soja et le dashi et wasabi, elle les avait trouvés dans une petite boutique asiatique à Avignon. Les feuilles de nori, elle les avait grappillés chez un resto Wok et le riz, par hasard, elle l’avait trouvé à Barjac.
Rob et René avaient prit position dans les hamacs pendant toute la journée. Après le petit déjeuner ils s’étaient avachis dans les hamacs en simulant d’être plongés dans leurs bouquins. Mais en fait, ils faisaient semblant. Linda et Lotte voyaient leurs yeux briller sous leurs sourcils en entendant le bruit des ricanements venir de leur posture de paresseux. Les deux mecs avaient décidé de surveiller les activités autour des sushi et leur but était de jouer les observateurs critiques. Mais leur attention n’était pas que pour la cuisine. Une autre activité avait attiré aussi leurs intérêt. René était sûr que la voisine allait au moins 40 fois par jour aux toilettes avec du papier jaune pâle et d’aspect tout doux.- Je pense que la voisine est victime d’un dérangement d’entrailles! ils ricanaient. Rob avait remarqué qu’il y avait des gens qui partaient avec juste un bout de papier et d’autres qui partait avec tout un rouleau. Selon lui, la différence était la petite ou la grande commission. – Le papier de ce rouleau jaune doit être très très doux Rob, autrement elle n’aurait plus de cul! René était content de son observation et était mort de rire en faisant secouer son bidon. Le camping était rudimentaire. Juste un champ avec des arbres sans emplacement marqué. Il n’y avait pas d’électricité ni une épicerie de camping, ni un accueil ou un gérant. Bruno, célibataire endurci et fils du propriétaire du champ, venait parfois le soir pour nettoyer rapidement les toilettes avec un tuyau. La cabine WC n’était surement pas un endroit pour s’y attarder. Il y avait deux WC à la turque et un WC classique. Celui là était, par contre, d’une qualité inférieure, le siège avait été déjà cassé quelques jours après l’installation. Après des années d’expériences à la turque, Lotte avait aussi choisi d’opter pour le WC moderne. Mais sans siège, le toucher aux fesses était froid et l’hygiène était introuvable donc elle couvrit le WC avec des couches de papier. Mais ça n’était pas un grand succès. Le papier se déplaçait en s’asseyant. Lotte et Linda avaient décidé de choisir pour la nature pour leurs besoins et préférablement la nuit. Les commentaires de Rob et René confirmaient leur décision et par principe la cabine des WC était évitée.
Lotte était derrière son ilot de cuisine en train de finaliser les derniers détails pour son beef teriyaki. Elle versa une bonne dose de saké sur sa recette et la flamba à table. Patrick était très content et Danielle voyait qu’il était sincèrement surpris par l’accueil chaleureux et le spectacle dans la cuisine. Elle pensa qu’après cette soirée il serait convaincu qu’habiter quelque temps chez ces gens là en Ardèche serait bien pour elle. Et lui même pourrait venir tous les 5 jours. A table, ils discutèrent sur les conditions de travail. Rob était en train de chercher du travail pour mieux intégrer la France et voulait avoir sa liberté pour pouvoir se concentrer et réaliser son but. S’occuper de Tommy lui coupait trop ses journées. Lotte et Tommy partaient chaque matin à 06h30 pour courir et après le chien gâté mangeait un œuf dur à la cuillère. Le service de Danielle commençait à 10h00 avec une randonnée d’une heure, après il mangeait un yaourt, à midi des croquettes et à 14h30 encore une randonnée suivi par son deuxième repas des croquettes. Vers 18h00 un petit tour et basta! Lotte et Rob s’occupaient de la cuisine et du repas du soir. Elle pouvait manger avec eux à table. La première période était de mi-septembre au 17 octobre. Après Lotte et Rob recevraient de la famille et Danielle serait de repos. Danielle était complètement heureuse et très contente. Elle avait mangé délicieusement. Des sushis, des beefsteaks flambés, un gâteau à la meringue et glace et du limoncello maison comme digestif. La table était joliment décorée et l’énorme vitre du sol au plafond donnait une belle vue sur le jardin et la piscine éclairée. Satisfaite, elle montait à 23h00 les escaliers pour aller dormir pour la première fois dans sa chambre. Patrick qui avait bu un peu de trop, chancelait sur le tapis rouge qui menait vers les chambres. Heureusement elle n’allait plus être embêtée par lui. Son corps obèse rempli avec les saveurs et les alcool de la cuisine de la chambre d’hôte tomberaient vite dans son lit pour donner un concert de ronflement ensuite. N’importe. Danielle décida de couvrir ses oreilles avec ses écouteurs et de se régaler avec sa musique préférée. Mais merde, juste après qu’elle ne s’installe, son estomac commença à lui faire mal. Les crampes la pliaient en deux. Les remontées acides arrivaient et elle avait envie de vomir. Merde, putain. Son putain de corps encore qui cachait toujours tout.